Terrasses et démocratie locale à Strasbourg : Les points de friction


I. Une délibération du conseil municipale mal rédigée

Le 18 mars 2023, j'ai adressé un mail à la Maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, sollicitant une modification de la délibération du conseil municipal du 20 mars 2023 portant création d'une commission du Domaine public.

Dans cette démarche, j'ai soumis plusieurs arguments en vue de convaincre la maire. Voici pour mémoire quelques-uns :
  • J'ai souligné l'absence de représentation d'une instance compétente en matière de nuisances sonores.
  • J'ai mis en évidence l'absence de représentant d'une assemblée de quartier.
  • J'ai fait remarquer que les pompiers, bien qu'experts en matière de sécurité, ne pouvaient émettre un avis sur les questions relatives aux terrasses.
La maire a décidé de reporter certains points (dont celui-ci) à l'ordre du jour sans les changer, car le conseil municipal était trop long. Je suis étonnée que la première délibération ait soulevé autant de problèmes juridiques, que j'ai pu identifier rapidement (alors que je ne suis pas juriste !). Est-ce que cette délibération avait été correctement relue ? 

Pour en savoir plus, à lire sur ce blog : Démocratie au pif : la commission des terrasses de Strasbourg


II. La délibération votée le 10 mai pose aussi des problématiques juridiques

Explications :
  • Le SIS : le SIS est le service d'incendie et de secours de Strasbourg. Il est compétent en matière de sécurité incendie, mais pas en termes d'occupation du domaine public.
  •  Les experts : la délibération ne précise pas qui sont les experts nommés au sein de la commission. Il est donc impossible de savoir si ces experts sont qualifiés et compétents pour donner un avis sur les questions relatives au domaine public. Ces associations sont-elles subventionnées, si oui à quelle hauteur ? 
  • Les habitants (association, assemblées de quartier, etc.) : La délibération ne précise pas qui sont les experts nommés au sein de la commission. Il est donc impossible de savoir si ces experts sont qualifiés et compétents pour donner un avis sur les questions relatives au domaine public. De plus, la délibération ne précise pas ce que l'on entend par "etc.". Cela laisse entendre qu'il pourrait y avoir d'autres experts, non identifiés, nommés au sein de la commission.

III. La désignation des représentants d'habitants : un manque de transparence et de respect de la démocratie

Un mail a été envoyé le 21 juin informant d'un appel à candidatures pour désigner deux des cinq représentants du collège des habitants dans  la Commission du domaine public. On ne sait pas si ce mail a été envoyé à toutes les assemblées de quartier, car dans le mail envoyé, n'est pas précisé à qui il s'adresse. 

Voici les conditions pour participer au tirage au sort :
  • Être majeur.e
  • Résider à Strasbourg
  • Ne pas être membre d’une des associations déjà représentées au sein de la commission
  • Ne pas se trouver dans une situation de contentieux avec la collectivité sur la thématique de l’occupation du domaine public

Des remarques importantes sur le mépris du droit fondamental d'ester en justice et de participer au débat citoyen
  • Pas de problème sous Roland Ries : Lors du précédent mandat, j'avais intenté un recours en carence du maire. La municipalité ne m'a jamais interdite de participer à l'atelier de projet concernant l'occupation du domaine public et les nuisances sonores. Des rencontres ont eu lieu avec l'administration et l'élue en charge de la démocratie locale, Chantal Cutajar. J'ai saisi par la suite le comité d'éthique du Pacte pour la démocratie pour demander de la transparence : mise en ligne des autorisations de terrasse. C'est utile.  Je suis très fière de cet avis et que cela serve à tous : il suffit de voir le nombre de téléchargements sur l'Open Data.
  • Durant cette mandature, plusieurs élus de l'opposition ont fait et/ou ont des procès en cours contre la municipalité, la subvention à la mosquée Eyyûb Sultan, sur le stationnement.. Est-ce que ces élus de l'opposition ont été interdits de voter au conseil municipal, voire de s'exprimer sur la thématique sur laquelle ils ont un procès avec la municipalité ? Réponse : Non
  •  Le fait même d'évoquer que la ville a des contentieux sur la thématique de l'occupation du domaine public montre l'incapacité à régir les conflits. Il ne devrait pas en avoir. Quand la loi est appliquée, le citoyen n'a pas besoin d'aller devant les tribunaux.  Devons-nous ainsi comprendre qu'il y a plusieurs procès en cours ? 
  • Un procès peut s'arrêter en cours de route 
  • La Ville impose des conditions pour les habitants, qu'en est-il des associations d'habitants, des professionnels, etc Que se passe-t-il si pour une raison ou une autre, ils décident d'ester en justice ? Ouste, du balai. On les vire de la commission ? 
  • Le Droit fondamental d'ester en justice est bafoué : le droit d'ester en justice est un droit fondamental reconnu par le Conseil constitutionnel à travers plusieurs décisions. Ce droit trouve son fondement dans l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) de 1789, qui garantit la protection des droits. Ainsi, toute personne a le droit de faire valoir ses revendications devant une juridiction compétente.
  • L'assemblée de quartier Gare a déjà voté son représentant et son suppléant le 13 avril 2023. Il n'y avait aucun vote contre. On a présenté le représentant, juriste de formation, bien connu pour ses connaissances sur le domaine public. La municipalité les refusant, se prive de l'expertise nécessaire d'un citoyen et renie le vote d'une instance de participation citoyenne, qu'elle avait mis en place.
  • Pire, les deux représentants tirés au sort ont formellement décidé de ne pas rendre des comptes aux citoyens. Or, La transparence démocratique est essentielle pour le bon fonctionnement d'une démocratie. Elle permet aux citoyens de savoir si leurs préoccupations et si les décisions qui sont prises sont dans leur intérêt.
Malheureusement, il faut qu'il y ait des recours devant le Tribunal Administratif, que la municipalité écologiste se décide (mais pas toujours) d'appliquer la loi. À ce titre, sur l'occupation du domaine public, je vous laisse lire la décision du tribunal administratif qui s'est prononcée au recours d'un handicapé :
6. Il ressort des pièces du dossier que le trottoir sur lequel la terrasse du restaurant Le Botaniste a été autorisée est d'une largeur de 189 cm et qu'il comporte des potelets empêchant le stationnement, qui en réduisent la largeur d'environ 30 cm. Ainsi, en autorisant une terrasse d'une largeur de 60 cm, il en résulte que les piétons ne disposent plus que d'une largeur d'1 mètre environ. Dès lors, la présence de la terrasse a eu pour conséquence de restreindre exagérément l'usage du trottoir aux piétons et, notamment, aux personnes à mobilité réduite. Dans ces conditions, M. D est fondé à soutenir que l'autorisation délivrée le 4 février 2020 au restaurant Le Botaniste pour installer une terrasse de 1,57 m² devant l'établissement, pour la période du 1er mars 2020 au 31 octobre 2020, est incompatible avec les besoins de la circulation des piétons et notamment des personnes handicapées, c'est-à-dire avec la destination du domaine public sur laquelle la terrasse est installée et il y a lieu de l'annuler.



IV. Un atelier de quartier sur le domaine public boycotté


Le Festival des possibles a été organisé cette année. C'était une vaste kermesse citoyenne où plusieurs stands étaient présentés. La question reste toujours de savoir ce qu'il a coûté. Il n'y a eu à ce jour aucun compte rendu n'est publié sur les échanges. 

Une affiche de la Ville a présenté l'unique atelier de quartier de la Grande Ile, légalement constitué le 14 octobre 2021. L'assemblée de quartier l'a voté à l'unanimité : Partage de l'espace public entre les différents usagers et les ERP. 

Il y a plusieurs erreurs sur cette affiche : 
  • Opacité de l'information. Les documents demandés pour un travail de réflexion constructif ne sont pas transmis
  • L'atelier de quartier n'est pas représenté dans la commission du domaine public 
  • L'adjoint en charge du domaine public, M. Pierre Ozenne n'a pas souhaité venir au stand que je tenais.

V. Problèmes persistants malgré les annonces à l'assemblée de quartier


Malgré les annonces faites lors de l'assemblée de quartier du 17 octobre à Strasbourg concernant une expérimentation visant à réguler les usages du domaine public en 2024, des problèmes persistent.

Lors de cette réunion, Pierre Ozenne a présenté les avancées de la commission "usages du domaine public," mettant un accent particulier sur les terrasses et les chevalets publicitaires au cœur de la ville. Contrairement à ses déclarations, l'Architecte des Bâtiments de France (ABF) ne peut pas donner d'avis sur le mobilier des terrasses, selon la jurisprudence du Conseil d'état (CE, 5 juillet 2022, n°459089). 

4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que la légalité d'une autorisation d'occupation domaniale située dans le périmètre d'un plan de sauvegarde et de mise en valeur n'est subordonnée à sa compatibilité avec ce plan et à l'accord de l'architecte des bâtiments de France que lorsqu'elle emporte autorisation de réaliser des travaux ayant pour effet de modifier l'état des immeubles. Les dispositions d'un plan de sauvegarde et de mise en valeur ne sont, en revanche, pas opposables à une demande qui a pour seul objet de solliciter une autorisation d'occupation du domaine public sans modification de l'état des immeubles.

 À l’inverse d'autres villes comme Toulouse ou Paris, où les autorisations de terrasses sont rendues publiques, à Strasbourg, seuls les plans sont accessibles sur l’Open Data. Pourquoi autant d’opacité ? Bien qu’elle dispose de données exploitables, les écologistes en 2021, les ont rendues moins accessibles. Les documents PDF ont été convertis en images pour empêcher le copier-coller. Le filtrage est rendu plus difficile. Il n’y a plus de séparations dans les adresses, des numéros et les rues des établissements. Cela complique le travail de quiconque veut analyser les conditions d'exploitation des terrasses inscrites sur les plans d'implantation. 

De plus, contrairement à ce que Pierre Ozenne été mentionné, il est tout à fait possible d'interdire des terrasses. Rappelons que :

Le tribunal a également jugé que le principe d'égalité n'avait pas été méconnu dès lors qu'à la suite de réunions de concertation  avec les riverains se plaignant des nuisances sonores générées par les terrasses existantes sur la place, la commune a décidé de ne plus accorder de nouvelles autorisations, ni même d'extension des terrasses existantes, et que la demande de la requérante a été traitée de la même façon que les autres demandes de création de terrasses. Le tribunal a enfin écarté le moyen tiré de l'atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie en relevant que la restriction apportée par la décision attaquée à l'activité de la requérante est justifiée par un motif d'intérêt général, tiré de la préservation de la tranquillité publique,  et proportionnée aux objectifs poursuivis.

C’est pourquoi il est nécessaire d’avoir une réglementation claire et transparente sur les autorisations de terrasses, qui tiennent compte des besoins des commerçants, des riverains et des usagers, en tenant compte des enjeux sociaux, environnementaux et patrimoniaux. C’est ainsi que nous pourrons faire de Strasbourg une ville plus vivante, plus agréable et plus respectueuse de ses habitants. Une gageure ?

Des articles complémentaires sur ce blog : 


Remarques de Tomate Joyeuse : 

N'hésitez pas à consulter les autres articles concernant Strasbourg sur mon blog.

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